Une norme commune pour l’Union en matière de facturation électronique

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La Commission européenne veut faire des marchés publics le moteur de la facture électronique en Europe. Elle fixe le cap pour 2016 avec un projet de directive préparant le déploiement de la facture électronique. Elle veut imposer une norme européenne qui permettra de surmonter le défaut d’interopérabilité due à la grande hétérogénéité des standards de facturation électronique et constituant une entrave au développement du marché intérieur.

La Commission européenne a adopté le 26 Juin 2013, une communication dont l’ambition est de faire de la passation électronique de bout en bout des marchés publics, un moyen de modernisation de l’administration publique. Le point 5.1 de cette communication aborde la question de la facturation électronique en indiquant qu’elle doit devenir la règle plutôt que l’exception dans le cadre des marchés publics. Le projet de directive e-Invoicing (*) qui en découle se résume à deux points :

  1. Pour éliminer les problématiques d’interopérabilité entre les dispositifs nationaux, il est proposé de confier au CEN (1) la mission d’élaborer un nouveau standard normalisant les informations contenues dans la facture,
  2. Faire obligation aux Etats membre d’accepter les factures respectant cette norme avec une entrée en vigueur à la date butoir fixée par les obligations des Directives marchés.

En rendant obligatoire la facture électronique pour le secteur public, la Commission a l’ambition que les marchés publics entrainent d’autres secteurs à recourir à la facture électronique et notamment dans les échanges B2B.

« La mise en œuvre d’une initiative visant à libérer la facturation électronique, dans le cadre des marchés publics, de toute entrave à l’accès au marché ouvrirait la voie à une plus grande utilisation de celle-ci dans l’économie et ferait du secteur public un «marché pilote» dans ce domaine. »

La Commission constate l’hétérogénéité des normes en usage au niveau mondial, national ou sectoriel et le plus souvent propriétaires sans qu’aucune de ces normes ne prévale réellement (article 1). Dans ce contexte, il est donc nécessaire si l’on souhaite mettre en échec ce défaut d’interopérabilité des systèmes de dématérialisation de définir une norme qui soit commune à toute l’Europe. C’est une mesure de bon sens et d’économie. A défaut d’une décision de l’Union en la matière, le développement de la dématérialisation pourrait s’avérer coûteux et risqué pour tout le monde.

« la multiplicité des normes, leur abscence d’interopérabilité se traduisent par une complexité excessive, une insécurité juridique et des coûts de fonctionnement supplémentaires ».

La Commission joue son rôle d’arbitre impartial en imposant une norme européenne

En arrière plan la Commission Européenne fait valoir que cet obstacle technique majeur constitue une entrave au développement du commerce au sein du marché intérieur poussant la facture électronique à être confinée à des pratiques ne dépassant pas le cadre des frontières nationales de chaque Etat membre. Dans ce contexte, toute disposition prise unilatéralement ne ferait qu’aggraver le problème de l’interopérabilité qui devient avec le temps plus coûteux et complexe à résoudre. Puisque toute mesure prise à une échelle locale s’avérerait in fine inapte à garantir cette objectif d’interopérabilité transfrontière, seule l’Union au nom du principe de subsidiarité et en vertue de l’article 114 TFUE (2) de l’Europe est en droit de jouer un rôle « d’arbitre impartial » sur la question de l’interopérabilité, de se doter de ses propres moyens et de recommander la meilleure approche pour éliminer toutes entraves au marché intérieur.

Cette norme devrait remédier à la grande fragmentation des systèmes de facturation électroniques avec un objectif final, faire obligation aux pouvoirs adjudicateurs de recevoir les factures électroniques respectant cette norme.

En conséquence la Commission donne mandat au CEN compétent en la matière, pour définir une norme qui soit techniquement neutre (article 6) « afin d’éviter toute distorsion de la concurrence ». Cette norme dépassant la question des standards veut que l’on s’accorde sur un contenu commun à tous les systèmes de facturation en Europe en s’appuyant notamment sur un corps sémantique unique pour l’ensemble des Etats membres de l’Union. Le but de cette interopérabilité sémantique (article 11) est de permettre un traitement uniforme et surtout une interprétation univoque des données par tous les systèmes d’informations.

Cette norme devrait s’inscrire dans le prolongement des travaux du MUG (CWA 16356) sur le modèle de données ‘cross industry invoice’ CII V2.0 et de l’UN/CEFACT ; les travaux du CEN /BII (CWA 16562) définissant les profils utilisés pour l’e-Procurement dans le cadre de l’exécution post-attribution des marchés (catalogue, commande et facture) et sur lesquels PEPPOL fonde son modèle d’implémentation et finalement ceux de l’ISO avec le standard ISO 20022 retenu par les opérateurs bancaires pour les paiements.

En conclusion, si l’on considère l’ensemble des conditions nécessaires à l’interopérabilité, il en est une qui vient immédiatement à l‘esprit mais qui n’est pas abordée par le projet de directive, c’est la question l’interopérabilité des opérateurs de service de dématérialisation. A quelle condition cette interopérabilité du marché et ce qui va avec, c’est-à-dire la liberté de choix des opérateurs fondement d’une concurrence pure et parfaite est possible ? Ce sera l’objet d’un prochain article.

(*) facture électronique

(1) Le CEN « Centre Européen de Normalisation » élabore des spécification techniques, notamment les CWA 16356 résultant des travaux du MUG sur l’interopérabilité et CWA 16562 avec les travaux du CEN/BII « Business Interoperability Interface » concernant les profils pour l’e-Procurement sur lesquels PEPPOL fonde son modèle d’implémentation.

(2) Selon l’article 114 TFUE, toute disposition législative, règlementaire et administrative visant au rapprochement des législations des États membres est prise en vertu de la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social.

(3) PEPPOL « Pan European Public Procurement Online » – Open PEPPOL AISBL www.peppol.eu