60 à 80 milliards d’euros par an, le coût de la fraude et de l’évasion fiscale

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La mission d’information parlementaire constituée fin 2012 remettait son rapport le 9 octobre, un rapport qui dénonce le coût vertigineux de la fraude et de l’évasion fiscale, le « poison moderne des démocraties ». Selon MM. Dupont-Aignan, la fraude fiscale entraîne un manque à gagner de 60 à 80 milliards d’euros pour l’Etat à rapprocher des 53 milliards de recette de l’impôt sur les sociétés précise le Journal Le Monde dans son édition du 10 octobre.

Le rapport n’épingle pas seulement les moyens délictueux mais aussi l’évasion liée à des transferts de capitaux vers des paradis fiscaux et à certaines opérations d’optimisation abusivement employées par les multinationales. A l’échelle de l’Europe cette fraude est évaluée par le groupe d’experts réunissant des fiscalistes de haut vol à 2000 milliards d’euros (équivalent au montant annuel des marchés publics européens) et un peu plus de 1000 milliards au-delà de la précédente évaluation. Pour la seule fraude à la TVA, la perte est estimée à 193 milliards d’euros (1,5% du PIB européen) avec des pics pour l’Italie (36,1 milliards d’euros) et la France (32,2 milliards d’euros). Les rapporteurs constatant la grande « porosité entre argent propre et argent sale » exhortent l’Europe à agir face à une gangrène qui menace nos économies. Ils pointent du doigt le fait de tolérer au sein même de l’Europe, des Etats dont les pratiques financières sont complètement déconnectées de l’économie réelle conduisant Jersey à être le premier exportateur de bananes dans le monde et Genève le premier exportateur de pétrole…

La facture électronique peut elle mettre la fraude en échec ?

Sur le front des échanges électroniques, l’Europe ne peut être taxée d’immobilisme. Particulièrement prolixe en matière législative avec deux directives l’une sur la TVA (directive 2010/45/UE) l’autre sur la facturation électronique. La fraude constitue un arrière plan à cette inflation réglementaire dont l’enjeu est aussi de mettre en place rapidement un système commun de taxation et surtout des systèmes électroniques capables d’offrir une traçabilité absolue des échanges commerciaux. Le dispositif de lutte contre la fraude dans les échanges intracommunautaires s’est vu renforcé par la Directive 2008/117/CE du 16 décembre 2008 visant à raccourcir les délais de contrôle des Etats membres (1) s’en remettant déjà en grande partie à l’électronique (2). La piste d’audit nouvelle voie pour la dématérialisation fiscale devrait augmenter à terme les capacités de contrôle de l’administration fiscale. « En matière de facturation, la piste d’audit permet d’établir un lien vérifiable entre la facture et une livraison de biens ou prestation de services afin de permettre de contrôler si la facture correspond à une opération qui a été effectivement réalisée. » (3).

Concernant les systèmes de dématérialisation, qu’’ils soient internalisés ou fourni par un opérateur de service, là aussi l’esprit de l’instruction fiscale est de renforcer les moyens de contrôle contre la fraude « Les entreprises qui utilisent un système de télé transmission des factures doivent, à la demande de l’administration, restituer l’intégralité des informations émises ou reçues en langage clair. Le système de dématérialisation doit, en outre, permettre aux entreprises de répondre à des demandes sélectives de l’administration » (4). Au regard de l’archivage et conformément à l’article L102 C du livre de procédures fiscales, « Les assujettis ne peuvent stocker les factures transmises par voie électronique dans un pays non lié à la France par une convention prévoyant une assistance mutuelle ainsi qu’un droit d’accès en ligne immédiat, le téléchargement et l’utilisation de l’ensemble des données concernées ».

Si facture électronique peut sans conteste contribuer à la lutte contre la fraude, par une meilleure traçabilité et une plus grande transparence des opérations, notamment par la mise en place de la piste d’audit objet de la récente Directive TVA ; il faudra se garder de faire de ce dispositif une entrave dans le déploiement de la facture là où il faudrait au contraire assouplir .

(1) Directive 2008/117/CE – article 3, « Afin de lutter efficacement contre cette fraude, il est nécessaire que l’administration de l’État membre dans lequel la TVA est exigible dispose, dans un délai ne dépassant pas un mois, des informations sur les livraisons intracommunautaires de biens. »
(2) Directive 2008/117/CE- article 5, « Compte tenu de l’évolution de l’environnement et des outils de travail des opérateurs, il convient de s’assurer que ces déclarations peuvent être faites au moyen de procédures électroniques simples, afin d’en réduire au minimum la charge administrative ».

(3) sous-section 2, du BOI-TVA-DECLA-30-20-30-20
(4) BOI-CF-COM-10-10-30-10