Plates-formes de dématérialisation, les risques du défaut d’interopérabilité

PFdemat

A l’heure d’un Etat plate-forme (1) et d’une dématérialisation obligatoire qui approche à grands pas, le plan national de dématérialisation de la DAJ (2) en émettant l’hypothèse d’une mutualisation voire d’un guichet unique des marchés pour les entreprises pointe du doigt les insuffisances d’un modèle qui défie depuis 2005 les règles de l’interopérabilité et rend la vie difficile aux entreprises. Quelle solution pourrait préserver les investissements et les intérêts des opérateurs sans passer par un modèle étatique unique ?

Pour les entreprises qui souhaitent répondre aux marchés publics par voie électronique, le casse-tête de la multiplicité des plates-formes n’est pas nouveau. Les travaux de l’OEAP (3) ont permis de faire converger quelque peu les interfaces mais n’ont rien résolu à la problématique de fond qui est pour les utilisateurs de jongler avec plusieurs environnements de travail.

Le modèle économique d’une plate-forme de dématérialisation (ou profil d’acheteur) est centré sur l’acheteur et non sur l’entreprise. Il est vrai que 78 000 collectivités constituent une base de clients déjà suffisamment importante pour ne pas avoir à s’occuper en plus des 1 115 0000 fournisseurs du secteur public. Je peux en parler d’autant mieux qu’ayant pris part aux développements d’Achatpublic.com, l’attention n’a jamais été réellement portée à l’entreprise soumissionnaire.

Revenons à l’évocation d’un guichet unique étatique qui suscita une levée de boucliers des opérateurs (cf. article du Moniteur) et qui n’envisagerait rien de moins que de faire disparaître les accès multiples au profit d’un seul. Cette mesure, vivement souhaitée par les entreprises, renverrait les plates-formes à un rôle de simple composant technique connecté au back-office des services achats, les coupant ainsi du contact direct avec les entreprises.

Les entreprises continueront à constituer un gisement mal exploité tant que les plates-formes se limiteront à délivrer un service de peu de valeur ajoutée. Ne s’agirait-il pas plutôt de renverser un paradigme qui consistait jusqu’alors à faire des plates-formes un outil exclusivement dédié aux acheteurs pour offrir enfin ce qu’attendent les entreprises : un accès unique, simple et sécurisé voire dans certains cas totalement intégré, permettant de relier leur système d’information à celui de l’acheteur public. Un pur phantasme, pas si sûr !

Comment rendre les plates-formes interopérables ?

Aujourd’hui même, Il existe un programme de la Commission Européenne dénommé E-SENS (4) qui s’inscrit dans la continuité de PEPPOL(5) et qui ne vise rien d’autre que de permettre aux entreprises de répondre à un appel d’offres à partir de la plate-forme de leur choix communiquant avec celle d’un acheteur situé dans un autre pays. Selon ce modèle, il serait envisageable de relier les plates-formes entre elles par un système de reconnaissance mutuelle et ainsi de rendre accessibles tous les acheteurs publics européens (voir la vidéo en bas de page).

Un tel schéma pourrait relancer un modèle qui risque de pâtir de son défaut d’interopérabilité en remettant l’opérateur économique au centre du dispositif et sans attendre un décret qui vienne légiférer en la matière.

Certains rétorqueront que cela reste une ambition européenne et n’est pas réaliste à notre échelle. Il est certes difficile d’imaginer une interopérabilité globale de nos marchés nationaux alors même que nos partenaires européens sont en passe de la réussir au plan International tant qu’une myopie augmentée de nos complexités nous condamne à l’inaction.

Il y a deux conditions pour rendre cette approche possible. Se tourner résolument vers les standards qui rendront les plates-formes techniquement compatibles entre elles sur la base d’une structuration des offres identique; utiliser un réseau sécurisé et ouvert (modèle 4 coins) sur le modèle de celui mis en place par PEPPOL pour permettre l’acheminement sécurisé des documents cryptés et signés dans la confidentialité requise.
J’ajouterais finalement une troisième condition. Que l’on prenne enfin la bonne mesure de travaux européens qui pourraient faire gagner du temps et de l’argent à tout le monde si l’on acceptait de leur porter un peu d’attention.

(1) Etat Plate-forme http://etatplateforme.modernisation…
(2) DAJ « Direction des Affaires Juridiques »
(3) OEAP « Observatoire Economique de l’Achat Public »
(4) eSENS « Electronic Simple European Networked Services » www.esens.eu
(5) PEPPOL « Pan European Public Procurement Online » www.peppol.eu